Fouad Laroui (فؤاد العروي ) : "Une année chez les français"

Publié le par Adelie

larouiUne année au Lycée Lyautey de Casablanca. Un petit marocain épris de lecture, arrive à l'internat de Lyautey, lycée français, accompagné, en guise d'offrande, de deux dindons ligotés par les pattes. Un coup de Mokhtar, son oncle. Tout ignorant qu'il est, ce Mokhtar, dans sa grande djellabah marron, il sent la nécessité de marquer cet enfant dés son entrée chez les français, d'un geste de savoir-vivre oriental. Tout pauvre qu'il est, il a le panache, ce geste large et fier dont les riches sont parfois incapables. Offrir des dindons. Une fierté pour lui, donateur, mais une honte dans tout le lycée, pour l'enfant ainsi distingué. La "rh'chouma" (en arabe, la honte) ou la fierté.

Ce roman se lit d'un trait, il vous attache le coeur, et vous laisse des échos longtemps. Ceux de tous les enfants décalés, jetés seuls au milieu de la foule du lycée, à assumer leurs différences.

La première différence de Mehdi, le personnage du livre, c'est d'être accro à la lecture, au point de lire de son propre chef, tous les classiques qui lui tombent sous la main. Il est bien entendu premier de la classe. La deuxième différence de Mehdi, c'est celle de la langue : curieusement, il ne comprend pas bien l'arabe, ayant été élevé par un père féru d'éducation française, et une mère qui ne parle pas beaucoup. Il a pour la langue française, une attention aussi sensible, délicate, que celle de Marcel Pagnol enfant, pesant les mots, les comparant, et lorsqu'il s'agit de mots nouveaux, devinant leur sens au contexte.

lyci"Une année chez les français" est écrit à la 3ème personne, mais le narrateur s'exprime toujours dans le registre de Mehdi, l'enfant. Les affres de ses pensées, les joies passagères, les inquiétudes, et les révoltes, tout cela est distillé tout au long de l'année, avec la candeur de l'enfance.

schumannlombardbeliersoudan.jpgPour les nostalgiques du lycée Lyautey, même si l'auteur affirme : "ceci est un ouvrage de fiction", on retrouve avec délices moult détails précis, et... l'ambiance des années 70. Monsieur Lombard, le surveillant général, et le chaouch veillant sur la porte d'entrée. Et la mémorable visite du ministre Maurice Schumann entouré d'un aréopage de personnalités. Sans oublier le hâchis parmentier du samedi, à la demi-pension, et la cérémonie de distribution des prix. Fouad Laroui, pour ce récit d'un charme fou, d'une grande justesse dans le dosage des sentiments, et d'une belle écriture, vous avez, selon moi, déjà le Goncourt. (A noter : ce livre a effectivement fait partie de la première sélection 2010 pour le Goncourt ; il est aussi sélectionné pour le Grand Prix du Roman Métis 2010, de la ville de Saint-Denis de la Réunion)

Sur le net, en cherchant un peu, on peut retrouver dans les vieilles photos de classe, celle où figure justement Fouad Laroui en classe de 6ème à Lyautey, lui-même, comme son personnage, boursier venant du bled, petit garçon à lunettes, debout au premier rang à gauche.

 fouadlaroui

 

 

Publié dans Littérature

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J
<br /> <br /> Merci Adélie. Ton blog donne envie d'aller travailler à Casa et c'est bien mon intention. JC<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> ce blog donne envie d'aller travailler à Casa et c'est bien mon intention JC<br /> <br /> <br /> <br />
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