Poèmes sur les jacots

Ci-dessous un modeste dossier rassemblant au fur et à mesure, mes trouvailles sur le Jacot ...

 

quelques poèmes

 

Danse jacot danse

  de Jean-François Samlong

Je ne veux pas que tu penses

Que je ne dors pas la nuit

Que mes yeux brûlent les flamboyants

De mon île en marche sur le feu

Mon île aux vingt-six mille regards

Qui exhalent un souffle désespéré

Ma main dans vos mains ouvertes

Réconciliation pour un clin d’œil sonore

Qui jette une ombre sur toute âme

Au diable les désirs de conquête

La vie prisonnière de vos mains

Des doigts se croisent sans se voir

Verse du lait sous mes pieds

Verse du lait de coco en abondance

Et coupe quatre citrons galets

Aux quatre portes de ma vie

La braise est rouge rouge est le feu

Mon bouquet de fleurs ne brûlera pas

Mes pieds ne se brûleront pas

Et ce hoquet que j’ai au cœur

Partira avec le roulement du tam-tam

Tam-tam d’Afrique et de l’Androy

 

Danse jacot danse

Devineur en transe

Sous la varangue de nos regards

Goïnda pour tous ces pénitents

Goïnda pour tous ces marchands de fleurs

Fleurs de mains tendues

Fleurs pour des sous-entendus

Misère volée avec le sourire

Où est donc mon sabre d’espérance

Qui brisera à jamais la souffrance

De ce pays aux horizons fanés

Marchant sur des couteaux dorés

 

Verse du lait sous mes pieds

Verse du lait de coco en abondance

Garde la noix pour l’avenir

La faim de nos enfants sera apaisée

Voilà la pierre voilà le fruit

Tendre la main pour saisir le fer

Le feu de lance qui force le destin

A suivre la trace du Maître reconnu

Je ne veux pas que tu penses

Que je ne dors pas la nuit

Que mes yeux brûlent les piments rouges

De mon île en marche sur des sabres

Il est un buisson dans chaque conscience

Et ces flammes qui éclatent de rire

Il faut les entendre comme des braises

Mais qui boira le sang de l’espoir

Déchiré par la longue traversée d’un ciel

Où roulent des tam-tam éclatés

Ma main est noire de cendre

Et pourtant il faut rallumer le brasier

Vaincre le sommeil du temps

Qui alourdit mes paupières en carême

 

Danse jacot danse

Devineur en transe

Sous la varangue de nos regards

Goïnda pour toute cette haine

Goïnda pour tous ces marchands de peur

Peur pour des mains tendues

Peur pour des sous-entendus

Misère violée avec le sourire

Où est donc mon sabre d’espérance

Qui brisera à jamais la souffrance

De ce pays aux horizons blessés

Marchant sur des couteaux tirés

Verse du lait sur mes yeux

Verse du lait du ciel en abondance

Voilà le frère voilà l’ami

Que mon bras renverse la nuit

Comme le vol d’un brasier libéré

La poule noire doit mourir aujourd’hui

Demain je sèmerai en sacrifice

Mon bol de ris décortiqué

Mais je serai là au carrefour de ma vie

Pour voir germer et croître la lumière

Sur le front de mon île en marche

Vers la terre de réconciliation

Plaine des Sables apaisée

Je ne veux pas que tu penses

Que je ne dors pas la nuit

Que mes yeux s’allument à des braises

Qui ne viennent pas de mon étoile

Et coupe quatre citrons galets

Aux quatre horizons de mes pas

Le mauvais sort meurt avec la nuit

Voilà mon Frère voilà mon cri

 

Danse jacot danse

Sous le choc du tambour malbar

Dans l’âpre délivrance

 

Jean-François Samlong, février 1979

 

 


 

- "Zako Mayako", ci-dessous, texte de Nicolas Gérodou, version créole et version française, tiré de son livre "Passage des lémures en pays Mafate", Editions Grand Océan, 2003, fait référence au Jacot des lithographies d'Antoine Roussin, un jacot chanteur des rues, passeur de messages. Je cherche d'où vient le mot "Mayaco", sans doute du Mozambique ?...


Zako Mayako

Jacquot Mayako

Ala bézèrdrak, tanbouryé dann somin, ou tié sant lo roiyom anlèr pou domoun kartyé – épisa zot téi moukat ton vyé kayambo, ton bous i kim dolo, ton promyé rir, ton manyèr vavangèr : inn ti dégoud’libèrté pou sat la ni gazé.

Têteur d’alambic, tambourier des rues, tu chantais à ceux des quartiers le royaume de l’en-l’air, et ils raillaient tes haillons, ta bouche écumeuse, ton rire initié, tes manières divagantes : petite liberté d’illuminé.

Zako kapkap, té larg gro sékré malgré domoun i rann foutan – mon kaf, koméla ti bat tanbour dann koudvan ;

Jacquot panique, confiant le secret malgré les quolibets – frère, tu bats désormais le tambour des orages,

Dann fon granboi tu fé rézone lo bob si lo bann lyane i anmar pyédboi ;

Tu fais résonner au fond des grands bois le bobre des lianes arquées sur l’arbre,

Ti fé pèt lansiv dann kré la ros, lao dann gafourn, anlèr ranpar ;

Tu souffles l’antsive des roches percées dans les cavernes du rempart,

Vi zoué kayanm sanm lo grin kaskavèl, sanm la gous boinoir ;

Tu crépites les graines de cascavelle, les gousses dorées des bois noirs,

Ti tiktak dann touf banbou, osinon palmis…

Tu cliquètes les bambous et les palmes.

Dann tout péi Mafat, lo bann Lémyr i lèv èk ton kriyé : Mayako, van la nuit, kok zavan.

De tout le pays Mafate, les Lémures se lèvent à ton appel : Mayako, vent de nuit, coq des errants.

 Nicolas Gérodou

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